Pour « accéder » au concept Second Life (et
pour d'autres "systèmes virtuels", jeux entre autres...) il faut se
créer un « avatar ». Pour beaucoup d’internautes, avatar est synonyme de
pseudo. Erreur !
Avant d’entrer dans le vif du sujet avec le mot « avatar », je me permets d’expliquer ce qu’est, sur le plan sémantique, un « pseudo ». A force d’en créer ici et là, sur Internet plus que partout ailleurs, on finit par y perdre son grec !
PSEUDO, abrégé familier de PSEUDONYME : nom masculin (grec, pseudēs, faux et onoma, nom). Nom d’emprunt choisi par quelqu’un (le plus souvent un artiste, un écrivain) pour dissimuler son identité. Fam. Se dit de quelque chose d’« à peu près ». [Larousse]
Poussons un peu plus loin l’exercice sémiologique dans l’étude du signe perceptible que renvoie « pseudo » :
- il est surprenant de souhaiter garder un anonymat, quel qu’il soit, derrière quelque chose qui renvoie à la notion de faux.
- le pseudo se distingue du « surnom » car il ne dissimule pas entièrement les traits caractéristiques de la personne. De plus, on peut considérer que le « surnom » est attribué, le plus souvent, par une tierce personne.
Si l’emploi du mot « pseudo » connait un essor sans précèdent avec l’usage d’Internet, beaucoup y inscrivent leurs propres traits de caractères, ou simplement une appellation les identifiants rapidement. Où est donc la notion d’anonymat, de dissimulation, de faux ?
L’autre signification de « pseudo », est l’« à peu près », le "presque". Cela voudrait-il dire qu’une incertitude pourrait être équivalente avec le mot « pseudo ». Il est souvent employé dans une conversation orale pour minimiser la connaissance du sujet ou pour venir diminuer le mot devant lequel il est placé…
Dans tous les cas, le pseudo a de beaux jours devant lui : chats, forums et sites demandent en place d’« identifiant » d’inscrire son pseudo… Hum ! Nous nous identifions donc avec notre pseudo…
Dans le même registre, beaucoup d’internautes blogueurs, cette fois-ci, utilise leur pseudo pour identifier leur site…
Passons à l’avatar…
AVATAR : nom masculin (sanskrit avãtara, descente de Vishnou sur Terre).
1. Chacune des incarnations de Vishnou, dans la religion hindoue. 2. Changement dans le sort de ; transformation. 3. Abusif. Evénement fâcheux : accident. [Larousse]
A l’usage d’Internet, l’avatar est la « transformation » d’une personne, le plus souvent par une image, la représentant. Elle peut simplement représenter, identifier la personne ou la dissimuler, la personnifier en une autre « personnalité ». Ouille ! On s’y perd ! L’avatar est donc notre propre image ou celle sensée représenter l’interlocuteur…
Dans Second Life, l’avatar joue la fonction d’un objet transitionnel (comme l’ours en peluche, comme le doudou). Il est le moyen par lequel un individu accède à ses désirs sur un mode virtuel. Il s’agit là donc d’un moyen et non d’une finalité. D’où la grande différence avec l’emploi du mot « pseudo ».
John Suler, psychologue du New Jersey, a fait d’Internet son terrain d’observations… Après avoir observé le phénomène FlickR, en 2005, il s’est pratiquement immédiatement immergé dans SL. Au sujet de l’avatar, Il considère que celui-ci incarne les facettes refoulées de la personnalité, qui cherchent à se concrétiser. En ce sens, l’avatar permet d’explorer la personnalité, lorsqu’il est bien utilisé. Au travers de l’appellation de son avatar, l’internaute utilisera alors une facette (cachée la plupart du temps) de sa personnalité. Il utilisera cette facette en puissance sur SL car il n’y sera pas identifié, pas reconnu, mais surtout il sera considéré.
En conclusion, on peut se poser la question de savoir avec qui (ou quoi) nous interagissons dans le monde virtuel de SL ? Est-ce des personnes réelles ? Est-ce des programmes informatiques ? Qui le sait ?
Personnellement, je pense que les autres individus d’un environnement virtuel ne sont pas perçus comme distincts de soi, mais probablement comme des projections de soi, non ?
En sémiologie, la projection de soi fait partie de nos interactions sociales réelles. Elle est d’autant plus renforcée dans un monde virtuel qui peut donner, sans contrôle (de soi ou des autres), à des défoulements, à des pulsions de toutes sortes… SL est un lieu, un endroit où la projection prend en compte nos corps dans leur entier.
Ainsi, d’un point de vue sémio, le corps a trois fonctions : le corps des besoins, le corps des désirs et enfin le corps des symboles.
Le premier, celui des besoins, est le corps « matériel » : avec ses exigences physiques de vie et de survie. Le second, le corps des désirs, quant à lui organise les fantasmes, qu’ils soient érogènes ou libidinal. Quant au troisième, le corps des symboles, est celui qui nous intéresse, rapport à Second Life. C’est le corps qui interagit avec le monde extérieur. Il « régit » nos échanges sociaux, agit sur la scène de la vie, s’engage dans un langage. Il est l’expression de l’individu avec sa caractéristique propre. C’est ce corps qui vit dans Second Life, c’est celui qui va nous permettre d’interagir, dans notre (re)semblance d’avatar, avec ces « autres » sur lesquels nous nous projetons…
A suivre : les pérégrinations des avatars Mark et Ting... dans une prochaine note.
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