Cet article a un caractère technique, lié à la période de campagne électorale française, et non l'expression de mon point de vue personnel.
Mes
propos ci-après vont ravir quelques un(e)s et choqueront quelques autres, mais
qu’importe… Les deux points de vue sont simplement un résumé du constat que tout sémanticien ou tout sémiologue pourrait faire.
Comme
beaucoup de Français, les débats m’ont passionné. Le premier tour est passé,
voici le second qui s’annonce dans quelques jours.
L’ambiance
est à la limite de celle que nous avions, pour beaucoup, au moment de la Coupe
du monde de football en 1998. Nous retenons notre souffle à savoir qui des deux
candidats emportera cette présidence. Pour une manifestation sportive, il est relativement facile de se déclarer supporter de telle ou telle équipe. Dans les lignes qui suivent, ne vous attendez pas à une prise de position de ma part, ce n'est pas l'objet de ce blog.
Nicolas
Sarkozy utilise beaucoup (trop) l’adjectif pour exprimer le signifiant, sans
toutefois exclure le signifié.
Ségolène
Royal attaque sur des oppositions essentiellement au niveau des signifiants.
(Sarkozy/Royal :
méthode faite de brutalité/sans brutalité ; loi du plus fort/plus
juste ; valeurs de destructions/construction ; France de la peur,
antichambre de la haine/France de la paix civile).
L’utilisation
des verbes est plus anecdotique chez Ségolène Royal que chez Nicolas Sarkozy.
Ce dernier utilise beaucoup le « je respecte », quand pour le même
sens, Ségolène Royal utilise le « je veux » (plus souvent, c’est le « moi,
je veux »). Tous les deux utilisent, très souvent, après ce syntagme
verbal, le mot « mais », afin de poser leurs conditions respectives.
Pour
l’un comme pour l’autre, il n’existerait de « quartier », que les
quartiers difficiles. N’y aurait-il que des quartiers difficiles sur le
territoire français ? J’en doute.
Ségolène
Royal s’exprime avec « son » ordre juste, et le décline sur les axes
de « son » Pacte présidentiel (« ordre social
juste » ; « je mettrais les mots justes », etc.). Si un
conseiller de Ségolène Royal me lit, sur ce blog, qu’il n’hésite pas à
communiquer avec alexsens. Nous avons travaillé le thème « juste »
pour le dernier Cahier de tendances Communication CommWithMe 2007 (Carlin
International).
Et
si vous voulez en savoir encore plus, consultez le site de Jean Veronis, linguiste
émérite à l’Université d’Aix-en-Provence, ainsi que ses équipes qui ont
travaillé sur l’analyse de discours des candidats
Signes
et sens sont très nombreux dans cette campagne. La difficulté réside pour les
armées de conseillers en communication des deux candidats, à exprimer le plus
« fidèlement » et non le plus « justement », la traduction
des objectifs de campagne. C’est souvent un gros problème d’ailleurs. A vouloir
dire beaucoup de chose, nous en oublions l’objectif à atteindre : se faire
comprendre de l’autre. Alors, on s’exprime, on s’exprime, mais très souvent
l’information est diluée. Et cette dilution entraîne une interprétation de la
part des populations auxquelles nous nous adressons.
Dans
cette campagne, la construction des discours des deux candidats est très
différente.
La
perception du sens est d’autant plus facile dans le premier que dans le second.
Le discours de Nicolas Sarkozy est structuré, clair, fidèle à l’objectif de sa campagne.
Le débit de la parole est correctement ponctué.
Le
discours de Ségolène Royal est plus hésitant, voire figé, avec une forte
dilution de l’information, entraînant des détournements langagiers, non sans
amusements pour les linguistes.
Pareillement,
les attaques personnelles sont nombreuses. Trop d’ailleurs. Un pic ici et là,
pourquoi pas, mais de là à s’en faire une règle, où est donc le respect ?
Alors même que le sens du mot respect est et doit être inné lorsque l’on se
présente pour présider la République.
Quand
il ne s’agit pas d’attaques personnelles, alors les critiques fusent sur la
manière de gérer ses mandats. Pourquoi pas. Mais là encore, faut-il être
équitable dans le traitement de l’information et du sens émis.
Dire
que Nicolas Sarkozy est un facho… Non, pas d’accord, sauf alors à changer la
définition dans les dictionnaires. Impossible, alors Nicolas Sarkozy n’est pas un
facho. La perception de son image, par contre, laisserait penser qu’il fait
dans le « style » facho. Il y a une différence entre un style et un
état…
Autre
exemple, Nicolas Sarkozy est vivement critiqué par ses opposants et les médias
sur sa gestion du département des Hauts-de-Seine ; la gestion de la Région Poitou-Charente l’est beaucoup moins. Coté bilan, l’un vaut l’autre. Mais il est vrai que la
réputation et la proximité des Hauts de Seine favorisent le relais médiatique
qui joue en défaveur de Nicolas Sarkozy. C’est idiot, mais le sens ainsi perçu
par les Français déséquilibre l’un des candidats au bénéfice de l’autre.
Au
sujet de Ségolène Royal, ses détracteurs voient en elle, une femme, figée, qui
maternalise ses propos, choyant la France comme si le pays était un enfant. Sur
l’aspect féminin, une remarque sociétale : L’équité homme/femme n’existe
pratiquement pas et ce dans aucun pays, sauf à y tendre. C’est le cas des pays
nordiques. C’est le cas du Canada. Avec les difficultés que cela engendre,
voire à provoquer des aberrations. Exemple : Au Québec, lorsque qu’un
poste universitaire est ouvert, il y a blocage des recrutements masculins afin
de faire respecter l’équité h/f.
Remarque sémio-sémantique : il est intéressant de savoir pourquoi
nous « parlons » toujours de « homme/femme » et non
l’inverse, « femme/homme ». La galanterie serait de faire passer la
femme en première expression, non ? Dans sa construction actuelle, le
« / » signifiant « division » en mathématique, laisserait à
penser que l'homme est divisé par la femme… L'emploi de la virgule paraît plus "équitable".
Toujours
sur la femme qu’est Ségolène Royal : ses détracteurs opposent la
féminisation, la féminité, la féminitude (ces trois mots ayant tous un sens
différent) de ses discours. N’est-elle par un être humain avant tout ?
Quant
à sa manière de materniser le pays dans ses discours, cela est tout à fait
normal. Ségolène Royal est aussi une mère, à l’opposé de Nicolas Sarkozy. Ce
dernier a, à juste titre, une attitude d’un père. Ce qui expliquerait
partiellement le terme « facho », plus réservé dans la perception à
un personnage masculin que féminin.
Figée
est Ségolène Royal. Oui, et difficile pour elle de faire autrement. Cette
attitude semble provenir des postures que prennent les personnages du PS.
Ségolène Royal est entouré d’« éléphants ». Ce mot n’est pas anodin.
Pour émerger la tête d’un troupeau d’éléphants, Ségolène Royal doit se tenir
droite… et être adroite, et non gauche, le tout sans être à droite de sa
gauche.
Il
en est de même de l’extraction de mots ou de quelques phrases qui sortent de
leur contexte. Tout le monde connaît cela. Dans cette campagne électorale, cela
fini par tourner au ridicule.
Je ne veux pas entrer dans la polémique des extraits de discours entre Michel Onfray et Nicolas Sarkozy, je viendrais juste préciser que Nicolas Sarkozy n'a pas dit que des comportements comme la pédophilie ou les tendances suicidaires étaient uniquement prédestinés génétiquement, et qu'il n'y avait rien à faire. Ce que les scientifiques contestent, et ils ont raison. Textuellement, il a dit : « Le contexte et le déterminisme familial n'explique pas tout, et que dans certains cas il pouvait y avoir une fragilité, une prédisposition ». Ce que les scientifiques ne contestent pas.
Pour conclure, un point commun de leur discours : tous les deux sont à égalité dans l’emploi de « je veux être président ». Ceci est rassurant. Ne reste plus qu’à voter pour l’un ou l’autre.
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