En philosophie, l’adjectif « virtuel » est ce qui possède ou contient toutes les conditions essentielles à son actualisation.
A deux reprises ce mois-ci, les 9 et 20 juin, j'ai participé aux workshops sur les métavers et leurs impacts sur le monde réel. L'absence de définition du "metavers" est un peu gênante. C'est d'ailleurs ce qui m'a amené à m'interroger de beaucoup plus près à la signification du mot "virtuel" et son impact sémiologique sur notre vie quotidienne.
Je rédigerais une nouvelle note en septembre sur ce sujet. Parce que d'une part, l'équipe de Metagansz qui organisait ces échanges devrait publier un livre blanc sur ces métavers ; et d'autre part devant l'intégration des mondes "virtuels" dans notre vie sociale et professionnelle, l'enjeu sociétal est important.
Alors ce mot "virtuel" qu'a-t-il de bien réel ?
« Virtuel » ? Cet adjectif, du latin, virtus, force est définit par le Larousse comme : « Qui n’est qu’en puissance ; potentiel,
possible. ». Les trois autres définitions intéressant l’optique et la
physique.
Ce mot nourrit donc une certaine ambiguïté. Il est
péjoratif. Qu’il soit perçu en son sens figuré ou en son sens propre, nous
pourrions comprendre que virtuel signifierait « faux »,
« irréel ». Où le mot « virtuel » serait alors le contraire
de concret. Ce qui pourrait nous amener à comprendre alors que c’est abstrait.
Pourtant, le « virtuel » captive les foules et les marques. Cela
s’est traduit « dans » Second Life, par exemple. Mais si ce mot est
perçu comme quelque chose qui n’est pas réel, qui n’est pas concret, serait-il
autant signifier que c’est quelque chose de mal défini, de mal dessiné…
Les TIC n’ont pas « inventé » le mot
« virtuel ». Disons qu’elles ont permises sa communication, sa
facilité d’accès (tiens, nous y accéderions ?), sa démocratisation, voire
alors sa « matérialisation » !
Quelle serait alors la définition la plus générale et compréhensive ou académique pour le mot « virtuel » ?
En philosophie, l’adjectif « virtuel » est
ce qui possède ou contient toutes les conditions essentielles à son
actualisation.
En linguistique, le mot « virtuel » signifie,
dans le contexte de la langue et de la parole, tout ce qui n’est pas actualisé…
Nous serions donc dans un passage vers
l’actualisation. Donc, nous sommes dans un « possible ». D’ailleurs,
la définition de l’Institut de France résume le mot « virtuel » par
« Qui existe sans se manifester », ou « Qui est à l’état de la
simple possibilité ou d’éventualité ».
Dans le langage de la TIC, le mot renvoie aux
éléments (terminaux, mémoire, etc.) d’un système informatique considérés ayant
des propriétés différentes
de leurs caractéristiques physiques. Qu’il s’agisse d’un PC ou d’un Mac,
n’est-ce pas la mémoire virtuelle qui simule
une mémoire plus grande que la mémoire existante ?
En
mécanique, le travail virtuel d’une force est le travail que produirait un mobile
se déplaçant d'une quantité infiniment petite à un moment donné. Aie, cela est
déjà plus complexe !
En
mécanique quantique, il est « question » de « Transition
virtuelle ». C’est une transition quantique réelle d'émission suivie de
réabsorption ou d'absorption suivie de réémission, ne respectant pas la
conservation de l'énergie ». Aie, aie, cela se complexifie de plus en
plus !
Utilisé
en substantif, la thématique relève de la puissance. C’est-à-dire qu’il
rassemble le possible, le probable et
le virtuel.
C’est la scolastique du Moyen-Âge qui défini le mot
« virtuel » pour caractérisé l’état d’un être ou d’une chose n'ayant
pas d'existence actuelle. La plupart du temps, le virtuel était ce qui est relatif à une faculté de l’âme :
« L’Homme connaît Dieu par intelligence », qui renvoie à la vertu, la puissance ». Le mot
« virtuel » est donc en permanence relier au mot
« puissance ». Le virtuel n’est alors qu’un autre état de ce qui est
tangible, possible. Nous entrons alors dans le domaine du possible,
Le
virtuel posséderai-t-il une existence dans l'imagination, hum… serait-il réel
alors ?
Si
nous prenons un objet virtuel, comme le système Second Life. Il est non réel
mais pleinement actuel, puisque la perception qu'on en a et toute notre
relation à lui sont bien réelles, tout comme le sont (dans le champ visuel)
celle du reflet ou (dans le champ auditif) celle d'un son virtuel.
En
conséquence, on peut comprendre ainsi que l’on a recourt aujourd’hui à la
réalité virtuelle pour soigner des phobies, des anxiétés, des dépressions. La
France n’est-t-elle pas le 1er pays au Monde en consommation d’anti
dépresseur !
L'ambiguïté
provient plus probablement de la « digitalisation » que les
fabricants de matériel informatique ont introduite communément à l’outil
Internet.
Si
nous observons ce qui nous entoure, la numérisation est de plus en plus
prégnante dans notre environnement. Nous sommes « envahis » de signes
numériques… immatériels
Ce
qui est intéressant dans Second Life, c’est son pouvoir ! En me connectant
à SL, je fais une expérience réelle, je « vais » me projeter dans un
monde bien réel de machines, avec une interface graphique et une pixellisation
d’images. Ma réalité est d’autant plus concrète que j’utilise un clavier, une
souris, etc. De plus, ces flux de données recréent les codes de la vie réelle.
Qui plus est notre « avatar » représente un corps humain… C’est, la
seule différence avec feu le Minitel. Car, si je me souviens bien, en dehors de
l’aspect purement iconique et graphique, le virtuel existait pleinement via le
chat, par le pseudo et les écrits échangés…
Pour conclure, il s’agit peut être et tout simplement d’une erreur de traduction et donc un sens dilué. Nous avons traduis « Virtual World » par « Monde Virtuel », mais ne s’agirait-il pas plutôt de « Monde Éventuel », « Monde Conditionnel », voire « Monde Potentiel » ?
Cependant, assez critique sur la réalité de la virtualité en tant que sens, je reste persuadé que l’outil tel que conçu comme SL est un formidable outil de simulation. Et pour aborder le « Monde », rien de tel que de simuler. Car si la simulation permet un apprentissage, elle permet aussi de décupler la curiosité, la compréhension de la relation avec l’autre, la découverte de capacité jusqu’ici ignoré par notre monde réel. Le débat est ouvert !
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